Le chant des sirènes

Ainsi, tu as accompli tous ces travaux.
Maintenant, écoute ce que je vais te dire.
Un Dieu lui-même fera que tu t’en souviennes.
Tu rencontreras d’abord les Sirènes qui charment tous les hommes qui les approchent ; mais il est perdu celui qui, par imprudence, écoute leur chant, et jamais sa femme et ses enfants ne le reverront dans sa demeure, et ne se réjouiront.
Les Sirènes le charment par leur chant harmonieux, assises dans une prairie, autour d’un grand amas d’ossements d’hommes et de peaux en putréfaction.
Navigue rapidement au delà, et bouche les oreilles de tes compagnons avec de la cire molle, de peur qu’aucun d’eux entende.
Pour toi, écoute-les, si tu veux ; mais que tes compagnons te lient, à l’aide de cordes, dans la nef rapide, debout contre le mât, par les pieds et les mains, avant que tu écoutes avec une grande volupté la voix des Sirènes. Et, si tu pries tes compagnons, si tu leur ordonnes de te délier, qu’ils te chargent de plus de liens encore.

 


Homère, L’odyssée, Chant 12, traduction de Leconte de Lisle